A Bolzano en Italie, la vie reprend son cours normal. Marco Zanetti, 62 ans, est de retour de Sharm El Sheikh où il a remporté une victoire sensationnelle. Marco Zanetti, l’une des figures de proue de l'ancienne génération, s’est imposé en finale face à Eddy Merckx, autre tête d'affiche du 3 Bandes mondial. L’Italien a battu Torbjörn Blomdahl et Frédéric Caudron, entre autres, avant la finale.
Cette parenthèse dorée passée, « la vie reprend son cours », déclare-t-il dans une interview accordée à Kozoom après la cinquième victoire en World Cup de sa carrière. Il figure dans le Top 7 au classement mondial : « Je suis loin de chez moi 100 à 120 nuits par an, je dois m'entraîner plus que dans mes jeunes années, j'aime faire du sport, je ne bois pas d'alcool et quand je suis à la maison, je mène une vie tranquille ». Ce ne sont là que quelques déclarations du dernier vainqueur de World Cup qui, au cours de sa carrière, a souvent oscillé entre les extrêmes tantôt enfant terrible tantôt aimable sportif.
Sa position au classement, après la victoire à Sharm, lui procure un peu de sérénité. Zanetti se trouve avec Merckx et Blomdahl aux places 6, 7 et 8 du World Players Ranking. Et il terminera bientôt l'année sans se soucier de son statut de tête de série et autres championnats.
Comme tous les deux ou trois ans, Kozoom s'est entretenu à nouveau avec le maestro, peu après son retour de la station balnéaire égyptienne maintenant qu’il a quelques semaines de libre devant lui. Avez-vous enfin du temps pour votre famille, votre entourage, vos amis ? « Bien sûr, mais pas seulement, car je dois bien sûr m'entraîner plus que les autres. »
Frits Bakker/Kozoom : Quel soulagement cela a dû être de retrouver le chemin de la victoire en world cup après avoir battu de grands joueurs lors des deux journées décisives. Pouvez-vous nous décrire ce que vous avez ressenti ? Et comment s'est déroulée la soirée, comment avez-vous fêté ce succès inattendu ?
Marco Zanetti : La meilleure chose que je pouvais faire était de gérer les moments où j'étais assis sur ma chaise et où mon adversaire était à la table. Je suis resté calme, sans être trop nerveux, concentré et confiant, en attendant la prochaine occasion de me tenir à la table. J'ai célébré comme je le fais toujours après une victoire en passant des heures à répondre aux centaines de messages de félicitations que j'ai reçus et aux interviews auxquelles j'ai dû répondre. Une célébration un peu étrange, n'est-ce pas ?
FB/Kozoom : Y avait-il plus de pression en raison de votre position inconfortable au classement ?
Marco Zanetti : Absolument, oui, la pression était grande, mais dans ces moments-là, j'arrive souvent à donner le meilleur de moi-même.
FB/Kozoom : Comment vous êtes-vous senti cette année sur le circuit ? Êtes-vous en bonne forme physique, mentalement fort, vos mains peuvent-elles exécuter ce que vos yeux perçoivent ?
Marco Zanetti : Le temps passe et ça ne joue pas en ma faveur. Ce qui était naturel quand j'étais jeune est aujourd'hui le résultat d'un engagement et d'une longue préparation, non seulement sur le plan technique, mais aussi sur le plan physique.
Kozoom/FB : Que constatez-vous lorsque vous regardez autour de vous les joueurs de votre génération, l'élite européenne établie ? Sont-ils devenus plus vulnérables, y a-t-il une certaine usure gestuelle, de la vision, est-ce plus difficile de rester au sommet ?
Marco Zanetti : Le niveau général de jeu continue de s'élever et il est de plus en plus difficile pour les maîtres européens de rester au sommet. Les années passent pour tout le monde et les problèmes physiques de vue et de bras deviennent plus aigus pour tout le monde. Il devient de plus en plus difficile pour tous les joueurs de l'ancienne génération d'être toujours performants.
FB/Kozoom : Quel avantage gardez-vous sur les jeunes joueurs asiatiques voire d’autres nationalités ?
Marco Zanetti : L'expérience, l’habitude du jeu au plus haut niveau qui, combinée à un bon plan de jeu, nous permet de gérer efficacement les temps forts des matchs.
FB/Kozoom : La victoire en Egypte, est-ce une coïncidence totale parce que les planètes étaient alignées ou bien Marco Zanetti peut-il tout simplement encore battre les plus grands ?
Marco Zanetti : C'est une combinaison de plusieurs facteurs, il faut beaucoup de talent mais aussi un peu de chance. J'aurais déjà pu perdre contre Bury, puis contre Caudron, mais cette fois-ci, ce sont eux qui ont commis des erreurs et qui m'ont permis de terminer les matchs avec brio.
FB/Kozoom : Dites-moi franchement : qu'est-ce que cela vous a fait de battre vos illustres et anciens coéquipiers de la célèbre équipe Agipi ?
Marco Zanetti : Je ressens une subtile satisfaction, en ne pensant qu'à l'aspect sportif de la victoire, rien de plus. En général, je peux ne pas être d'accord avec certains aspects du caractère de certains de mes collègues, mais en fin de compte, le respect de la liberté d'expression de chacun prévaut. Chacun a sa propre histoire et son propre passé que nous ne connaissons pas. Contre Blomdahl, comme contre Glenn Hofman, j'ai joué mon meilleur billard à Sharm el Sheikh. J'ai pu trouver les nuances techniques qui m'ont permis de me sentir complètement à l'aise lors de ces matchs.
FB/Kozoom : Comment se fait-il que vous ayez été si fort contre Torbjörn Blomdahl qui était très en forme comme vous ? Le billard de haut niveau peut-il être si favorable pour certains et si impitoyable pour les autres ? La différence peut-elle être si grande sur un seul match ?
Marco Zanetti : Faire beaucoup de points et défendre occasionnellement est toujours la meilleure façon de mettre la pression sur l'adversaire. Torbjorn n'a pas pu entrer dans le match parce que j'ai pu dominer le jeu dès le début, il a eu peu de positions favorables et n'a pas pu en profiter. Parfois, le billard peut être terriblement frustrant pour chacun d'entre nous ! Je me souviens d'une défaite personnelle contre Caudron en demi-finale du Lausanne Billard Masters en 2016 par 40-14 et aussi mon succès, toujours contre Caudron, en finale du Championnat d'Europe 2017 par 40-14 (merci Carompedia !).
FB/Kozoom : Que reste-t-il du caractère capricieux de MZ, du joueur qui est et peut être parfois un enfant terrible et en même temps un sportif très aimable ?
Marco Zanetti : Je constate qu'il m'est de plus en plus difficile de ne pas penser à mon âge avancé et de ne pas le considérer comme une justification pour ne pas être performant. D'un autre côté, une partie de moi reste le garçon que j'étais et je sens encore beaucoup de jeunes énergies en moi.
FB/Kozoom : Lors de la finale à Sharm el Sheikh, il y a eu à nouveau des rumeurs : Marco ne veut pas être arbitré par Bilo Salama, arbitre UMB égyptien. Cette histoire est-elle vraie ?
Marco Zanetti : Bilo est un bon ami, mais par le passé, j'ai dû accepter certaines de ses décisions arbitrales « controversées » qui m'ont malheureusement blessé. Comme par hasard, cela s'est toujours produit lorsqu'il m’arbitrait et, à un moment donné, il y a deux ans, nous en avons discrètement parlé ensemble. Il m'avait dit en souriant qu'il ne m'arbitrerait plus à l'avenir et je l'avais cru. J'ai donc été surpris de le voir entrer dans l'arène lors de la finale contre Merckx et cela m'a déstabilisé mentalement. J'ai demandé un autre arbitre, mais après un certain temps, on m'a dit que je n'avais pas le pouvoir de demander cela et j'ai donc dû continuer à jouer sans que mon souhait soit exaucé. Mais tout est bien qui finit bien et notre accolade après la finale en témoigne.
FB/Kozoom : Pour quelles raisons avez-vous autant d'amis en Colombie ?
Marco Zanetti : En Colombie, j'ai l'impression d'être dans ma deuxième maison, j'adore les gens, j'ai tellement d'amis formidables qui me font me sentir bien. L'amour du billard y est incroyable ! J'ai toujours essayé d'aider les joueurs colombiens les plus méritants en les emmenant chez Longoni et en essayant de leur ouvrir une porte en signe de reconnaissance. Cette rumeur s'est répandue en Colombie et c'est peut-être pour cela que les gens m'aiment tant. Aujourd'hui, le pays se porte un peu mieux, c'est l'un des plus grands pays de billard au monde, mais par le passé, il était presque impossible pour les joueurs de se consacrer au billard comme c'est le cas ici en Europe.
FB/Kozoom : Nous connaissons tous le secret de Raymond Ceulemans qui a déjà plus de quatre-vingts ans, mais vous arrive-t-il de penser à votre avenir et à la durée de votre carrière ?
Marco Zanetti : Pour l'instant, je joue encore au billard en compétition mais si j'arrête, je resterai probablement actif d'une autre manière. Je n'aime pas beaucoup planifier l'avenir et j'ai la chance de toujours vivre dans le présent. Je vois beaucoup de passion et de grands talents dans le monde entier - Vietnam, Corée, Colombie, Mexique - pour ne citer que les principaux pays, qui malheureusement ne peuvent même pas venir jouer les tournois de l'UMB parce qu'ils sont trop chers pour ces joueurs. Le vrai problème, c'est l'Europe, il n'y a pas de changement de génération en Europe mais nous devons aussi reconnaître que notre continent manque d'un circuit européen qui motiverait les joueurs à faire plus d'efforts. La PBA continue sur sa lancée, j'aime beaucoup la qualité de leurs images télévisées et ce serait bien de pouvoir organiser quelque chose avec l'UMB au moins une fois par an. Mais peut-être que cela restera un souhait difficile à réaliser. Je trouve impressionnant le développement du billard féminin en Corée, pour lequel la PBA a vraiment fait un travail important.
FB/Kozoom : Comment voyez-vous le 3 Bandes mondial, l’UMB actuelle, la PBA, l'évolution en Europe et en Asie ?
Marco Zanetti : Cette question est très importante et mérite un article à part entière. Nous devrions tous nous efforcer d'atteindre un maximum d'équité dans le sport et de justice.
FB/Kozoom : J'ai vu l’un de vos commentaires relatif aux wildcards en world cup. « Nous avons des problèmes plus importants à résoudre » avez-vous dit. Que changeriez-vous à la formule actuelle, comment améliorer le système ?
Marco Zanetti : Ce qui me dérange le plus, c'est que beaucoup de bons joueurs ne s'inscrivent pas aux tournois de l'UMB parce que la liste des participants est déjà pleine de noms une minute après l'ouverture des inscriptions. C'est une source de frustration pour beaucoup de bons joueurs. Nous avons besoin non seulement de quantité, mais aussi de qualité. J'ai fait des propositions dans ce sens, en demandant que les inscriptions soient ouvertes d'abord aux bons joueurs et ensuite aux moins bons mais malheureusement ma proposition n'a même pas été prise en compte. Je profite de cette interview pour affirmer ma volonté de mieux l'expliquer aux décideurs.
FB/Kozoom : Et pour terminer avec la question traditionnelle : Marco Zanetti a-t-il toujours l'ambition de devenir président de l'UMB ?
Marco Zanetti : Devenir président d'une fédération mondiale est un poste difficile, avec des responsabilités qui changent radicalement. Plus d'un joueur me l'a demandé, peut-être un peu en plaisantant, mais j'aime beaucoup cette ligue en elle-même et beaucoup moins le billard « politique ». Je suis souvent en contact avec le monde des dirigeants et je vois généralement peu de coopération, une mauvaise communication et de grandes difficultés dans les relations internes. Être un dirigeant de billard n'est pas un travail que l'on fait par plaisir, mais seulement par sens des responsabilités.
Merci, Marco Zanetti
Traduction de l'article de Frits Bakker en langue néerlandaise