La réponse à cette question est courte et évidente : non. Il est numéro 1 mondial et il a remporté, au cours des dix dernières années, plus de tournois majeurs que quiconque. Il est plutôt bon dans ce qu’il fait, n’est-ce-pas ?
Il y a également une réponse plus longue et plus complexe qui commence par : peut-être. Mais regardons d’abord la situation actuelle du 3 Bandes. Pas un seul joueur au top niveau n’a recours à un entraineur. Nous trouvons ça normal mais c’est étrange. Les meilleurs sportifs au tennis, golf, ski, boxe et gymnastique ont tous un entraineur. La raison évidente pour laquelle les professionnels du 3 Bandes n’en ont pas est la suivante : ils ne gagnent pas assez d’argent pour s’offrir les services d’un coach.
La raison le plus profonde et la plus cachée : cela n’a jamais fait partie de la culture de notre sport et nombre de joueurs craindraient d’être perçus comme "mentalement faibles" s’ils reconnaissent se faire aider. L’univers du 3 Bandes est plutôt "macho". Avez-vous remarqué le nombre de joueurs de 3 Bandes ouvertement gays ? Nous sommes pires que le foot je crois. Et l’on ne peut aborder le sujet des psychologues du sport sans invoquer des plaisanteries ou des sarcasmes. Je suis navré de dire que notre sport est un peu démodé et à cet égard un peu bête. Nous devons rattraper notre retard sur ce sujet et cesser de prétendre que nous n’avons pas besoin d’aide sur ce point.
Donc quand je dis Caudron, je veux bien sûr parler de tous les joueurs professionnels de 3 Bandes. Et la plupart d’entre eux sont leur propre entraineur depuis 10, 20 ou 30 ans. Cela ne signifie pas que le travail de coaching n’existe pas au 3 Bandes ou que cela n’a jamais été fait. Ils l’ont simplement fait eux-mêmes. Et être un joueur doué est complètement différent d’être un bon entraineur. Ceux qui ont atteint le sommet et y sont restés longtemps étaient plutôt talentueux aux deux postes. On peut citer Zanetti, Blomdahl, Jaspers, Sanchez, Caudron, Merckx et quelques autres. Nous avons également connu des joueurs au talent extraordinaire qui avaient peine à s’entrainer eux-mêmes et leur carrière en a souffert. Vous pouvez citer des noms si vous voulez…
Qu’est-ce qu’un entraineur pourrait faire pour Caudron, me direz-vous ? Sa technique n’est-elle pas parfaite, ses connaissances ne sont-elles pas étendues, ses décisions tactiques ne sont-elles pas sérieuses ? Si vous vous posez cette question, réfléchissez-y d’abord : Ronnie O’Sullivan, considéré comme le joueur le plus talentueux de la planète, a récemment annoncé qu’il rejoignait l’équipe SightRight, une unité de coaching qui a contribué à revitaliser la carrière de Mark Williams. Steve Feeney, spécialiste, aidera O’Sullivan à s’aligner et à viser et le psychiatre sportif Steve Peters à résoudre les problèmes mentaux du jeu.
Si un génie gagnant plusieurs millions de livres sterling comme Ronnie O’Sullivan est assez humble pour admettre que des experts extérieurs pourraient améliorer la qualité de son jeu alors pourquoi les joueurs de 3 Bandes ne lui emboiteraient-ils pas le pas ? Tous n’auraient pas besoin du même type d’aide bien sûr. Le coaching peut revêtir différents aspects. Certains pourraient affiner leur position et leurs repères avec l’aide d’un spécialiste, d’autres pourraient tirer profit d’une analyse tactique et travailler sur leur équilibre attaque/défense afin de prendre de meilleures décisions à la table. Enfin et surtout, certains pourraient apprendre à mieux gérer le stress, les nerfs et l’anxiété pendant le match. Apprenez à franchir la ligne d’arrivée sur des fins de match tendues au lieu de se liquéfier.
Avant de pouvoir le faire, vous devez admettre que ces compétences ne font pas partie de votre ADN mais elles peuvent être apprises. Encore une fois, la culture machiste du 3 Bandes fait obstacle. Nous avons tendance à "étiqueter" les joueurs comme mentalement forts ou faibles et ils portent cette étiquette souvent pendant toute leur carrière. Parfois c’est vrai, certains joueurs continuent de répéter leurs erreurs mentales d’année en année. Mais parfois c’est faux et cruel : il y a des joueurs qui acquièrent une force mentale en vieillissant et un entraineur peut nourrir et accélérer ce processus.
Aujourd’hui il y a plus d’argent au 3 Bandes qu’il n’y en a jamais eu. Vous ne pouvez pas enseigner de nouvelles astuces à un vieux chien et je ne pense pas que nos champions cinquantenaires souhaitent opérer une révolution dans leurs façons de faire. Cela n’arrivera pas. Mais pour les nouvelles générations, il serait stupide de vouloir mener leur carrière à la manière de MZ ou TB. Ils devraient plutôt montrer une part d’humilité comme Ronnie O’Sullivan et chercher une expertise là où elle peut être trouvée. L’Espagne a ouvert la voie avec son académie de billard. J’ai récemment vu le jeune David Martinez jouer un match et j’ai été impressionné par ses prises de décision. Il est clair qu’il a été aidé en ce sens en cours de route.
La recette des fédérations nationales est très simple : exploitez au mieux les connaissances et l’expérience de vos anciens joueurs (Quetglas pour l’Espagne, Burgman pour les Pays-Bas, Kühl pour l’Allemagne, Stroobants pour la Belgique pour ne nommer que ceux qui ont prouvé qu’ils pouvaient enseigner) et préparez vos talents pour la TV Arena dans laquelle ils s’apprêtent à évoluer. Et avant même d’atteindre ce stade, assurez-vous que les bases de leur jeu sont correctes. Il y a 30 ans, nous avions ces joueurs assoiffés et festifs qui juraient pouvoir jouer correctement avec une angine et trois heures de sommeil. Ce n’était bien entendu pas vrai et ça l’est encore moins aujourd’hui. Le 3 Bandes est un sport avec toutes les exigences associées.
Vous rêvez d’être une star du 3 Bandes en 2019 ? Vous voulez mener la vie dure à Myung Woo Cho ? Alors passez un nombre d’heures conséquent à la table sans ingurgiter trop de shots de tequila. Si vous êtes jeune et talentueux, trouvez-vous un coach.
(Article de Bert van Manen traduit de sa version en langue anglaise)